hub.brussels News Entreprendre dans le digital: (aussi) une affaire de femmes
Entreprendre dans le digital: (aussi) une affaire de femmes

Entreprendre dans le digital: (aussi) une affaire de femmes

Il y a quelques semaines était diffusé sur la RTBF le film-documentaire « Casser les codes » de la journaliste, autrice et réalisatrice Safia Kessas. Un lever de voile supplémentaire sur l’absence criante des femmes dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (NTIC). À Bruxelles, des voix s’élèvent pour changer le statu quo. Et montrer la voie.

Interviews croisées de Julie Foulon de GIRLEEK & Assia Mezraui de BUBBLETECH

Réalisé avec le soutien, entre autres, du CIRB, de hub.brussels et d’Innoviris, le long-métrage de Safia Kessas relate les parcours de femmes emblématiques dans le secteur de la tech. 

Par le biais de role models, la réalisatrice entend conscientiser les femmes à l’accessibilité et aux opportunités des métiers des STIM (Science – Technologie – Ingénierie – Mathématique), et montrer les évolutions possibles, malgré que certains préjugés persistent

Mais pour plusieurs femmes déjà présentes dans l’écosystème, il faut même aller encore plus loin.

Moins de « pink washing », plus d’actions

« Ça fait 10 ans qu’on constate ; il faut agir. Les role models, c’est une bonne chose, mais au-delà d’inspirer, il faut passer à l’action », martèle ainsi Julie Foulon, fondatrice de GIRLEEK. Julie évolue depuis plus de 10 ans dans les métiers de la Tech. « Beaucoup d’événements sont organisés pour constater le problème mais pas pour le prendre à bras-le-corps. Il en résulte une régression significative, à l’échelle mondiale, de la représentation des femmes dans le secteur des STIM. »

Avant de co-créer MolenGeek en 2016, Julie a lancé, en 2011, sa propre agence de formation en marketing digital, entièrement dédiée aux femmes. « Les femmes ne savent pas qu’elles sont concernées par ces métiers ; elles n’ont pas accès à l’info. Il faut aller les chercher et faire un travail de terrain pour éviter de rester dans l’entre-soi. »

Girleek propose des webinaires gratuits trois fois par semaine pour développer ses compétences de façon concrète. Tout est en ligne pour pouvoir atteindre le public le plus large possible. 

Les femmes, une fausse minorité

On parle toujours d’une aide aux minorités. Mais les femmes ne sont PAS une minorité », souligne la fondatrice de Girleek. « On nous invisibilise alors que nous représentons la moitié de la planète et méritons donc de recevoir un accompagnement en ce sens.

Même son de cloche du côté d’Assia Mezraui, créatrice de l’agence digitale Bubbletech et tout nouvellement Project Builder chez Femmes Fières. « Sur le terrain, le digital n’est pas accessible. On propose par exemple aux FLE* tout un tas de formations dans l’Horeca ou en puériculture alors que le digital peut être appris sur le tas, très rapidement, sans même devoir connaitre la langue du pays ! Même chez les jeunes, on véhicule une mauvaise image du digital ; celle d’un univers abrutissant et réservé aux « geeks ». Il n’y a en outre aucun cours qui porte sur les langages digitaux ou de programmation dans les programmes scolaires du secondaire. »

* Le français langue étrangère est la langue française lorsqu’elle est enseignée à des non francophones, dans un but culturel, professionnel ou encore touristique.

« Demande à Google »

La voie du code, Assia Mezraui l’a empruntée un peu par hasard, suite à une perte… de voix. Après l’apparition de nodules sur ses cordes vocales, Assia a dû mettre sa passion en sourdine. Ce vide, elle l’a comblé par le digital : « Ibrahim Ouassari, ami et co-fondateur de MolenGeek, m’a challengée en me proposant une initiation au code pour les plus de 25 ans. Les premiers cours ont été assez éreintants ; j’étais bombardée de termes incompréhensibles dont je ne savais que faire. Mais au fil des semaines, tout a commencé à faire sens. Je me suis sentie évoluer très vite, c’était grisant. Le code est une langue comme une autre, que j’avais très envie de comprendre et d’utiliser.»

De cette passion est née en 2019 BubbleTech, Agence de web et de design.

« TOUT est sur le web », se réjouit Assia. « Quand mes filles me posent une question spécifique à laquelle je ne peux répondre, je leur dis systématiquement : « demande à Google. Le web est synonyme d’émancipation ; c’est une clef qui ouvre un nombre incalculable de portes. »

Le fait d’être mère n’a jamais freiné Assia dans ses projets. « C’est une impression sociale de devoir choisir. Il faut passer au-dessus de certaines idées et de certains tabous, sans se sentir coupable. Le tout est de savoir trouver un équilibre entre sa vie privée et sa passionC’est plus difficile si on n’est pas entourée par sa famille, car il n’y a rien qui encourage les mamans à se lancer en tant qu’entrepreneure ou à pouvoir suivre une formation IT avec des horaires adaptés. Les formations courtes en développement sont très intenses, le rythme est très difficile à tenir, il faut vraiment s’accrocher et en vouloir pour y arriver.»

Le syndrome de l’imposteur a la dent dure

Reste que le syndrome de l’imposteur est encore très présent, surtout chez les femmes: « le diplôme l’emporte encore toujours sur l’expérience, surtout dans le milieu de la Tech. Pour asseoir sa légitimité en digital, une femme va devoir davantage faire ses preuves qu’un homme, à compétences égales. »

Ses preuves, Assia n’a toutefois plus à les faire, le bouche à oreille ayant fini par asseoir sa réputation, dans un monde encore majoritairement masculin. « Aujourd’hui, je le vois, de plus en plus de femmes veulent se lancer dans l’entrepreneuriat. Il y a encore toutefois très peu de femmes dans la tech ; on les retrouve beaucoup dans les secteurs marketing, design ou communication mais encore trop peu dans le développement web et encore moins dans certaines branches comme la programmation des intelligence artificielle, la cybersécurité ou la blockchain. Dans ma session, il y avait 13 garçons et 4 filles, dont moi, et aucune d’elles n’a continué en IT. »

Bruxelles, terrain propice pour se lancer dans le digital

Assia temporise toutefois: « Il faut réaliser la chance qu’on a en Belgique : tu as droit de te lancer en tant qu’entrepreneure tout en bénéficiant du chômage ! ». 

« Beaucoup d’initiatives privées et publiques existent pour accompagner les femmes dans l’entrepreneuriat, mais ne sont pas assez visibles ou assez lisibles », précise Isabelle Grippa, CEO de hub.brussels. « Notre responsabilité est de les rendre accessibles. Chez hub.brussels, nous avons donc renforcé notre cellule Sensibilisation à l’entrepreneuriat afin d’effectuer un travail de lisibilité des différentes structures d’accompagnement proposant de la formation – comme Girleek – , des services, mais aussi du financement. Il faut montrer aux femmes que, dans le digital comme ailleurs, le champ des possibles est large pour celles qui souhaitent s’affirmer en tant qu’entrepreneures. »

Et Assia de conclure : « Mes proches m’ont dit que j’étais folle de me lancer dans l’entrepreneuriat. Mais qu’y a-t-il de plus gratifiant que de voir mes idées prendre vie ? »

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