Droits de douane USA: décryptage depuis New York

Tarifs douaniers, bouleversements de l’économie mondiale, relations commerciales tendues — l’optimisme semble presque déplacé. Et pourtant, chaque obstacle peut devenir une opportunité. Surtout pour Bruxelles, qui dispose d’une arme de taille : des exportations principalement orientées services et un savoir-faire unique. Dans cet article, découvrez les perspectives depuis la côte Est des États-Unis grâce à notre représentante locale Kathlijn Fruithof, qui prend chaque jour le pouls du marché américain.

Kathlijn Fruithof, représentante de hub.brussels à New York

Comment perçois-tu l’impact sur les relations commerciales UE–États-Unis de l’autre côté de l’Atlantique?

Kathlijn : Les relations commerciales ont été fortement affectées par les droits de douane, qui a créé des tensions très palpables. Une suspension de 90 jours est actuellement en place des deux côtés de l’océan, mais le tarif de base de 10 % reste applicable. Malgré cette pause temporaire, l’incertitude économique plane encore. L’Europe réfléchit à la meilleure manière de contrecarrer les décisions américaines, en renforçant notamment ses partenariats avec d’autres régions.

Quelles tendances observes-tu dans les réactions des entreprises bruxelloises ?

Kathlijn : Vu la volatilité des annonces, une grande incertitude règne à ce stade. Les entreprises ne posent pas encore beaucoup de questions à ce sujet ; elles attendent peut-être de voir comment la situation évolue. Pour l’instant, c’est donc « business as usual » : la plupart des entreprises que nous accompagnons demandent des mises en relation avec des clients ou contacts potentiels ; des études de marché incluant statistiques, réglementations, analyse des concurrents et aperçu des prix ; de l’aide pour préparer leur voyage de prospection (organisation de rendez-vous B2B, informations pratiques) ; des mises en relation avec des avocats ou consultants ou encore des informations approfondies sur des clients et partenaires commerciaux potentiels.

Quels secteurs sont les plus affectés par les mesures tarifaires actuelles ou à venir ? 

Kathlijn : 18 % des entreprises que nous aidons à exporter vers les États-Unis sont issues du secteur agroalimentaire. Les exportations de bière sont en baisse depuis quelque temps déjà en raison de la forte concurrence des brasseries artisanales locales. De nouveaux droits de douane accentueront encore cette concurrence.

Cela dit, la bière belge est toujours perçue comme un produit haut de gamme par les connaisseurs américains, qui sont nombreux — elle est servie dans de nombreux bars d’exception aux États-Unis. Selon nous, cela ne devrait pas changer radicalement : une hausse de 10 % sur les tarifs signifie généralement que les coûts sont répercutés sur le consommateur, ce qui ferait passer une bière à 10 $ à 11 $. Or, la plupart des amateurs de bière seraient probablement prêts à payer ce dollar supplémentaire pour un produit premium — mais la concurrence sera plus féroce qu’avant.

Par ailleurs, il convient de noter que la demande mondiale de bière belge est en constante augmentation. Comme l’a souligné Jean-Pierre Van Roy de la Brasserie Cantillon dans une interview accordée à BX1, « La demande pour nos bières dépasse actuellement notre capacité de production. Si nos bières ne trouvent plus preneurs aux États-Unis, elles en trouveront certainement dans des pays plus proches, comme la France ».

D’autres secteurs sont-ils impactés?

Kathlijn: Oui, celui de la mode et des accessoires. Ces entreprises participent depuis des années à des salons renommés tels que Designers & Agents ou Shoppe Object. C’est là qu’elles trouvent la plupart de leurs clients américains (principalement des boutiques multi-marques). Elles représentent 13 % des entreprises que nous accompagnons ici.

Les envois d’une valeur inférieure à 800 $ peuvent encore entrer sans droits de douane depuis l’UE grâce à l’exemption de de la franchise de minimis. Bien que cette exemption ait été officiellement supprimée pour la Chine, son application est actuellement suspendue pour l’Europe. Tout envoi dépassant ce montant est soumis à des droits de douane.

Y a-t-il des différences notables entre la côte Est et la côte Ouest en termes de culture d’entreprise et de répercussions tarifaires ?

Kathlijn : La côte Ouest attire généralement davantage de profils liés aux technologies logicielles et numériques, tandis que la côte Est se concentre sur des secteurs plus « traditionnels » comme l’agroalimentaire ou la mode et les accessoires. En d’autres termes, la côte Ouest traite surtout de services, alors que la côte Est se concentre sur les biens.

Et pour finir, quels sont vos conseils pour les entreprises bruxelloises souhaitant exporter vers les États-Unis ou entretenant des relations commerciales avec ce pays ?

Kathlijn : La situation est imprévisible et nos entreprises ne peuvent plus se permettre de mettre tous leurs œufs dans le même panier. Mais cela ne signifie pas qu’elles doivent ignorer les États-Unis, LE plus grand marché mondial. Cette situation fera sans aucun doute émerger de nouvelles opportunités. Nous continuerons à informer les entreprises sur l’évolution et les nouvelles possibilités.